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L’ETAT PROGRAMME-T-IL DEPUIS 3 ANS DE DÉPOUILLER LES COMMUNAUTÉS LOCALES DE NOSY MITSIO AU PROFIT D’UN GRAND PROJET TOURISTIQUE D’INVESTISSEUR ?

Introduction

Les habitants de Nosy Mitsio sont très inquiets, car les services fonciers de l’Etat ne les ont autorisés à réaliser aucune procédure relative à leurs terrains et parcelles depuis 2020. Le Ministre en charge du Foncier de l’époque avait expliqué que ces « mesures de suspension temporaire des demandes » avaient été prises « en vue de l’assainissement de l’île » (1)(2). Mais cette interdiction perdure, et en 2023, ils ont appris que tous les documents concernant Nosy Mitsio ont été transférés par les services fonciers au ministère du Tourisme.

Ils redoutent le pire et craignent de subir un accaparement de terres et un déplacement de la population comme ceux dénoncés par plusieurs organisations au sujet de Nosy Sakatia (3).

Les dirigeants malgaches agissent comme si Nosy Mitsio est une île inhabitée ?

Nosy Mitsio, un grand îlot périphérique de plus de 2.000 ha situé au Nord-Ouest de Madagascar, entre Nosy Be et Antsiranana Diégo-Suarez, https://terresmalgaches.info/IMG/png/PNGMitsioA3.png, a été mentionné par le président de la République en juin 2022 parmi les îles pour lesquelles les hautes sphères du pouvoir recherchaient un investisseur afin d’y construire un hôtel 5 étoiles. Les décideurs se comportent comme s’ils pensaient cette île inhabitée. Pourquoi n’ont-ils jamais consulté les 2.000 habitants sur un projet qui ne manquera pas d’impacter fortement leur existence ? Ces familles dont les ancêtres se sont installés là depuis le 19è siècle, ont une histoire, des traditions et coutumes, leurs tombeaux ainsi qu’une culture comme toutes les communautés locales du monde.

Elles vivent principalement de la pêche artisanale mais aussi d’agriculture et d’élevage, comme la majorité des Malgaches de la Grande Ile et s’efforcent d’améliorer progressivement leurs activités génératrices de revenus de diverses manières (4). Elles ont mis en place des infrastructures d’eau et assainissement, d’un centre de santé. Leurs enfants fréquentent l’école primaire et secondaire sur place ou continuent leurs études sur la grande terre. Comme tous les citoyens d’un pays plutôt pauvre, elles fournissent des efforts pour faire évoluer leur niveau de vie vers un développement durable de leurs biens familiaux et de leur terroir collectif.

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Une île convoitée par les investisseurs ou traitée comme une vulgaire marchandise par les décideurs ?

Dès 2020, un investisseur leur avait parlé d’un projet d’hôtel mais les communautés locales s’y étaient opposés lorsqu’ils avaient compris à la fin de l’étude d’impact environnemental qu’à l’emplacement actuel de leurs habitations et de leurs champs allaient être construits un aérodrome, un port, une route et des villas.

En septembre 2023, on apprend par un article de presse (5) que les négociations concernant un grand projet touristique sur Nosy Mitsio auraient été confiées par le Président de la République

  • son conseiller Mamy Ravatomanga, puis dernièrement à sa directrice de cabinet Romy Voos Andrianarisoa. Cet article mentionne le montant du projet, 600 millions de dollars ainsi que les investisseurs MGB Development et 1875 Finance. La première société, basée en Suisse, avait entamé les premières démarches d’une transaction sur l’île en 2020. Son responsable interrogé par un juriste international avait répondu qu’il avait abandonné le projet.

Mais quels que soient les promoteurs et les investisseurs, la suspension des procédures foncières et le transfert de tous les dossiers fonciers vers le ministère du Tourisme non démenti par de hauts responsables ministériels au cours d’un déplacement à Antananarivo d’une délégation des habitants de Nosy Mitsio en août 2023, semblent confirmer les craintes d’un futur projet de grande envergure aux impacts négatifs considérables pour les communautés locales.

Les décideurs feignent-ils d’ignorer les impacts négatifs tant environnementaux que sociaux d’un tel projet d’investissement sur la population ?

Jusqu’ici, Nosy Mitsio a toujours été une destination appréciée de diverses catégories de touristes respectueux de l’environnement et de l’accueil chaleureux des habitants. En faire un site touristique luxueux réservé à la villégiature et aux loisirs d’une poignée de richissimes relèverait d’un très mauvais calcul socio-économique car détruira immanquablement ce site, notamment les lieux de vie et de travail actuels des communautés locales.

Un hôtel 5 étoiles devant être accompagné de diverses infrastructures d’accueil, de résidence et de détente, sa mise en place nécessitera l’accaparement par les responsables de l’Etat pour les investisseurs de plus de 2.000 hectares de terres, qui constituent actuellement des espaces de vie personnelle et collective des habitants : terrains de culture, jardins potagers, zones de pâturage, habitations, tombeaux et infrastructures diverses des communautés qui s’étendent sur toute l’île.

La construction d’un port « moderne » d’accostage de bateaux détériorera les activités de pêche artisanale, principale source de revenus des habitants. Une partie au moins des nombreux cocotiers risque d’être abattue pour la mise en place d’un terrain d’aviation et de routes, alors que Madagascar lutte contre la déforestation. Les systèmes de production abondante d’eau douce et d’évacuation des déchets et eaux usées perturberont l’équilibre écologique et la biodiversité marine, alors que Nosy Mitsio est inclus dans l’aire protégée Ankarea (6).

Un tel projet aboutira à la disparition totale de la culture spécifique propre à ces communautés locales.

Où vont-être déplacés les milliers d’habitants de l’île ? Le fameux hôtel 5 étoiles existera-t-il sur les ruines de la vie paisible des villageois ? Ses façades somptueuses réussiront-elles à cacher et à faire oublier la misère profonde que sa construction aura provoquée au mépris des droits humains fondamentaux des communautés de Nosy Mitsio ?

Une privatisation de la totalité de Nosy Mitsio est illégale selon la législation malgache

La loi sur le domaine public de l’Etat interdit de privatiser « la bande littorale d’une largeur de 25 mètres à partir de la limite des plus hautes marées périodiques et régulières » (7). Une grande partie de l’île relevant ainsi du domaine public, celle-ci ne peut pas faire l’objet d’une vente. Le bail emphytéotique de location de 18 à 99 ans ne sera pas une option car il est similaire à une vente (8) quand on analyse la loi sur le sujet.

En revanche, les habitants de Nosy Mitsio ayant vécu sur leurs parcelles et mis en valeur la totalité de l’ile depuis des décennies sont présumés propriétaires selon la loi sur les propriétés privées non titrées. L’article 34 de la Constitution stipule que « l’Etat garantit le droit de propriété individuelle. Nul ne peut en être privé sauf par voie d’expropriation pour cause d’utilité publique et avec une juste et préalable indemnité ». Un projet d’hôtel ne pouvant pas être considéré comme une cause d’utilité publique, aucune expropriation ni expulsion ne pourra être effectuée. Les aménagements d’intérêt général et les espaces d’usage public sont également protégés par la loi.

Enfin, l’annexe 1 du décret MECIE exige la réalisation d’une étude d’évaluation d’impact environnemental pour « Tout aménagement hôtelier d’une capacité d’hébergement supérieure

  • 120 chambres et Tout aménagement récréo-touristique d’une surface combinée de plus de 20 Hectares » (9).

Conclusion

Les craintes de vente et location de longue durée ou illimitée de terres malgaches par les décideurs ne relèvent ni de rumeurs ni de médisances. Depuis décembre 2020, les citoyens malgaches savent que l’île d’Ankao (10) au Nord-Est de l’île a été vendue à un investisseur franco-sud-africain il y a des années, malgré la législation existante.

Des membres des communautés de Nosy Mitsio ont dit :

  • Nos ancêtres nous ont laissé une terre qu’ils ont mise en valeur et sauvegardée. Nous souhaitons que nos descendants puissent jouir aussi de toutes les ressources sur lesquelles nous vivons aujourd’hui car ce sont des biens merveilleux ».

Les signataires de ce communiqué les soutiennent fermement dans ce souhait et dans la défense de leurs droits sociaux, économiques et culturels.

20 décembre 2023

Signataires :

Centre de Recherches et d’Appui pour des Alternatives de Développement CRAAD-OI Collectif pour la défense des terres malgaches – TANY Femmes en Action Rurale de Madagascar – FARM

Plateforme pour l’Environnement et Développement de Nosy-Be – PFED Réseau des Jeunes pour le Développement Durable – RJDD Solidarité des Intervenants sur le Foncier – SIF

RÉFÉRENCES

  • https://www.craadoimada.com/sauvez-lapac-de-sakatia-a-madagascar-contre-laccaparement-de-terres/
  • https://www.madagascar-tribune.com/Le-habitants-de-Nosy-Mitsio-toujours-plus-inquiets-de-perdre-leurs-droits-sur.html
  • https://www.youtube.com/watch?v=-xvRqRNU6zI
  • https://p7.storage.canalblog.com/74/06/448497/128209634.pdf
  • https://www.africaintelligence.fr/afrique-australe-et-iles/2023/09/29/autour-de-rajoelina-la-guerre-souterraine-des-deal-makers,110059185-ar2
  • décret n°2015-721 portant création de l’aire protégée dénommée « Ankarea »
  • Exposé des motifs et articles 4 & 15 de la loi 2008-013 sur le domaine public :
  • http://justice.mg/wp-content/uploads/textes/1TEXTES%20NATIONAUX/DROIT%20PRIVE/Textes%20sur%20le%20 foncier/lois%20et%20ordonnances/7.pdf
  • Loi n°96-016 du 13 août 1996
  • Décret n° 99-954 du 15 décembre 1999 modifié par le décret n° 2004-167 du 03 février 2004 relatif à la mise en compatibilité des investissements avec l’environnement ( MECIE )
  • https://miavana.com/?gad_source=1
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